vendredi 8 juin 2012

Fête-Dieu, chantons ! Par l'abbé Alphonse Vidal



"Le Seigneur a nourri son peuple de la fleur du froment "

Ces mots, tirés du Psaume 80, servent d’antienne d’ouverture pour la messe de la Fête-Dieu, le Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ, que l’Église s’apprête à fêter dans la joie et la gratitude. C’est la seconde fois en quelques mois qu’Elle va le faire.


La première fois, c’était le Jeudi Saint, pour commémorer l’institution de l’Eucharistie et du sacerdoce chrétien, dans le climat très intime du Cénacle. La Dernière Cène, au cours de laquelle le Christ a épanché son cœur devant ses apôtres dans une confidence longue et profonde et dans la grande prière sacerdotale qu’il a adressée à son Père. Cependant, une ombre assombrissait le tableau : l’imminence de sa Passion, ses adieux aux apôtres, l’action du Malin et la trahison de Judas.

Or, l’Église souhaite laisser sa joie exploser devant ce mystère unique, mysterium fidei, le mystère de la foi. D’où l’institution au Moyen Âge de cette seconde fête, après la Pentecôte et la Très Sainte Trinité, dans des circonstances historiques bien connues et avec des textes composés par saint Thomas d’Aquin, alliant la rigueur théologique à la plus tendre des piétés. Pange, lingua, gloriosi Corporis mysterium : “ Chante, ô ma langue ”. Chantons ! Chantons à pleins poumons, car l’esprit humain est capable d’apprécier et de proclamer les magnalia Dei. D’apprécier d’abord, par une méditation calme et posée doublée d’une humble demande des lumières divines. Ensuite, ébloui devant tant de grandeur et de beauté, de chanter, de proclamer et de dire tout haut sa foi.

Corpus-Christi- Eucharistie- Pain

« Je suis le pain de vie ; qui vient à moi n’aura jamais faim » (Jn 6,35), a dit Jésus à la synagogue de Capharnaüm, dans un discours connu comme « discours du pain de vie ».  Comme il est important pour nous, destinataires de l’Eucharistie, que nous essayions de pénétrer le plus possible dans la pensée du Seigneur. Eh bien, c’est l’image de la nourriture qu’il a choisie pour évoquer le mystère de sa présence réelle sous les espèces eucharistiques. Ce que la nourriture est à la santé corporelle, le Pain de vie doit l’être à la santé de l’âme. Car l’Eucharistie est, comme les autres sacrements, un signe sensible et efficace de la grâce. 



Nous pouvons, donc, nous demander : 

Pourquoi a-t-il choisi le pain comme matière ?


À vrai dire, lui seul peut y répondre. Pour notre part, nous savons qu’il s’agit d’une matière facile à trouver, très commune, et qu’elle possède une grande valeur nourrissante. Quel est, par conséquent, le sens de son choix ? Nous pouvons signaler au moins deux significations :

+ Eucharistie n’est pas un mets exceptionnel, par trop délicat, réservé uniquement à la table des grands de ce monde. Elle est plutôt le pain quotidien, le pain populaire, en tout point irremplaçable. Ce qui signifie que tout le monde est invité à en manger, puisqu’elle est la nourriture de base pour tous. C’est pourquoi l’Église invite les fidèles à la communion fréquente, voire quotidienne, surtout depuis le pontificat de saint Pie X. Seule condition, avoir les dispositions requises : 
- être en état de grâce (pas de péché mortel sur la conscience non confessé à un prêtre)
- le jeûne eucharistique (une heure à compter du dernier repas) et,
- la dévotion personnelle. 
Voilà une belle résolution pour nous, tâcher d’améliorer nos dispositions afin de tirer un plus grand profit de chaque communion.

+ Puisque l’Eucharistie est notre pain quotidien, ce n’est pas la saveur ni le goût, c’est-à-dire les côtés sensibles et émotifs, que notre cœur doit chercher dans la communion. C’est plutôt la force et la vigueur spirituelle qu’elle apporte, pour aborder ainsi dans les meilleures conditions les combats de chaque jour et arriver un jour à la patrie du ciel. Ce n’est pas non plus la faim qui nous pousse à communier, c’est-à-dire le désir ou l’envie. L’inappétence est souvent le signe le plus évident d’une grande faiblesse corporelle et les proches de celui qui en est atteint lui conseillent vivement de se forcer à manger. Non, c’est la foi et l’amour qui doivent nous pousser à chaque fois vers l’autel. Cela dit, il est utile de provoquer en quelque sorte la faim de l’Eucharistie, de tomber dans un état de dépendance.

Dernière idée et dernier aspect du signe : la solitude de Jésus. Juste après la multiplication des pains et peu avant son discours de Capharnaüm, il est parti dans la montagne tout seul (cf. Jn 6, 15). Cette solitude a certainement un bon côté, car elle permet le tête à tête, mieux encore le cœur à cœur, avec lui. Pour entrer dans le mystère eucharistique, un minimum d’intimité et de silence sont sans doute nécessaires. Mais cette solitude préfigure aussi ce qui arrive vingt siècles plus tard : nous le laissons tout seul dans nos églises. 

Solitude dans l’hostie, caché sous les espèces du pain, au point que nous pouvons le recevoir trop machinalement. Solitude dans le tabernacle, avec un début de désertification eucharistique qui devrait nous désoler, liée au nombre insuffisant d’ordinations sacerdotales.

Prions la Vierge Marie, la Femme eucharistique comme le bienheureux Jean Paul II l’a appelée, qui a formé ce Corps et ce Sang dans ses entrailles très pures. Qu’elle fasse grandir un nous une vraie faim et une vraie soif de le recevoir. Qu’elle nous aide à trouver la meilleure organisation personnelle pour donner à notre vie une dimension plus eucharistique.

Abbé Alphonse Vidal

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