La plaie de l’Agneau
À Issenheim (Alsace), près de l’ancienne voie romaine, l’ordre
hospitalier de Saint Antoine soigne, avec les recours de la science du XVe
siècle, les gens intoxiqués par l’ergotisme. La maladie, désignée alors comme
« le mal des ardents », produit des douleurs permanentes et peut
évoluer vers la gangrène.
Pour décorer l’autel, installé dans la chambre
commune, les moines confient le retable à un peintre bavarois déjà célèbre :
Matthias Grünewald. L’artiste, qui connaît les révélations poignantes de sainte
Brigitte, envisage, comme thème du panneau central, la crucifixion. Il observe
les malades : les contractions convulsives, les peaux rougissantes, les
membres déformés. Le peintre conçoit le Christ en croix comme un miroir de la
salle : Jésus sera un souffrant comme eux.
Dès 1516 le retable préside à
la célébration de l’Eucharistie auprès de malades : le sacrifice du Christ,
représenté sur le bois du retable, est actualisé sur l’autel par le prêtre et
prolongé dans la chair des souffrants.
À gauche du Crucifié, figure, sans
souci de chronologie, saint Jean Baptiste signalant le corps de Jésus. La
tradition qualifie le Précurseur comme « celui qui montre du doigt »
le Rédempteur ; en raison de ce symbolisme, en effet, l’index de Jean est disproportionné.
Des études récentes ont établi qu’il pointe précisément sur la plaie du côté du
Christ. En bas, le sang d’un agneau crucifère tombe dans un calice :
encore un symbole du sang immaculé qui
enlève le péché du monde.
Les malades peuvent regarder, avec
reconnaissance et sympathie, ce Jésus, criblé de douleurs, transpercé par nos péchés ; nos
souffrances partagent les siennes, nous font ressembler à l’Agneau sans tache.
La plaie du côté résume le mystère
pascal : l’agneau immolé devient source de vie heureuse. « Ils
regarderont le transpercé » (Jean 19,37).
La plaie du cœur est ainsi garantie de l’amour miséricordieux qui nous
rachète : « nous avons cru en
l’Amour » (1 Jean 4,16). Le regard de foi découvre l’amour éternel et
devient source de charité.
« La
foi, qui prend conscience de l’amour de Dieu qui s’est révélé dans le cœur
transpercé de Jésus sur la croix, suscite à son tour l’amour » (Benoît
XVI, encyclique Deus caritas est, n°
39).
Le malade croyant transfigure la douleur.
Il voit le côté transpercé et
boit de lui à pleines lèvres.
Abbé Fernandez
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