Le pressoir de la miséricorde
Dans
une mystérieuse vision, Isaïe aperçoit un guerrier qui rentre vainqueur mais
épuisé du combat. Le voyant lui demande : « Pourquoi donc tes
vêtements sont-ils rouges, comme les habits de ceux qui foulent le vin dans le pressoir
au temps de la vendange ? ». Avec un zeste d’amertume l’interlocuteur répond, « J'ai été seul à fouler au
pressoir ; personne ne s'est trouvé avec moi » (Isaïe 63, 2-3).
Au
temps des vendanges on voit encore de nos jours le travail, désormais folklorique,
de trépigner, en dansant sur la cuve,
une partie du raisin récolté. Les pieds et les vêtements restent trempés de jus
épais ; la joie remplit aussi le cœur et des fouleurs et du public.
La tradition chrétienne a déployé le symbolisme du
Christ au pressoir, dans la littérature et dans les arts plastiques. Marco dal Pino, maître du Cinquecento napolitain, a repris le
thème du « pressoir mystique » (Vatican, 1571), sous le Christ en
gloire, dans un style maniériste.
Nous avons assisté ébahis à
la Passion : le Christ, pour ainsi dire, s’est laissé fouler aux
pieds sur la croix. « Le
manteau qui l'enveloppe est trempé de sang ; et son nom est ‘le Verbe
de Dieu’ » (Apocalypse 19, 13).
La souillure devient pourpre de triomphe et de
réconciliation. Le sang versé, recueilli par la terre, monte
jusqu’au cœur du Père des Miséricordes. Devant la justice éternelle, ce sang,
plus précieux que celui de l’agneau pascal,
plus persuasif que celui du juste Abel, « ne revendique pas
vengeance mais pardon » (st Ambroise, Sur
la fuite du monde 5).
En
se laissant broyer, Jésus a broyé nos péchés et distillé le vin de la
miséricorde. Ainsi il nous livre l’Esprit Saint qui met en lumière les fautes, éveille
le regret et dispose à la componction ; enfin, s’il rencontre l’écho loyal
du repentir, il efface l’iniquité.
Le
saint Sang du sacrifice du Christ « ouvre à l'Esprit Saint la route qui conduit au sanctuaire des consciences humaines »
(Jean-Paul II, encyclique Dominum et
Vivificantem §42). Fruit de l’amour du Fils, l’Esprit de sainteté est
envoyé aux hommes par le Père de toute miséricorde.
« Le Seigneur est bienveillant et miséricordieux, lent à la colère et
d'une grande fidélité » (Ps 145, 8). La miséricorde divine,
l’autre nom de l’Amour, est un rempart plus
fort que la pression envahissante du mal ; elle dissipe le péché de chaque
homme. « L’humanité n’aura de paix que
lorsqu’elle s’adressera avec confiance à la divine miséricorde » (ste
Faustina Kowalska, Journal).
Le dimanche de la Miséricorde, institué par
Jean-Paul II à l’occasion de la canonisation de sœur Faustina, rappelle la
logique divine du pardon : le Christ poursuit son message de miséricorde
« à travers ses mains tendues vers l’homme qui souffre » (Jean-Paul
II, Homélie de canonisation, mai
2000). Deux ans après, le pape accorda l’indulgence plénière, dans les
conditions habituelles (confession individuelle, communion, prière pour le
souverain pontife) à tous ceux qui réaliseront un acte de culte ou de piété
privée en l’honneur de la Miséricorde, ce dimanche-là. En 2005, à la veille de
ce jour, octave de Pâques, le bienheureux Jean-Paul II, épuisé par sa tâche,
rendit l’âme.
Le dimanche de la
Miséricorde nous offre l’occasion propice d’accomplir le précepte pascal, avec
une bonne confession.
Par l'abbé Fernandez.
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