Sous les yeux des fidèles de
la cathédrale de Compostelle, un encensoir géant, tiré par huit gaillards,
oscille d’un puissant demi cercle, atteignant les 60 kilomètres à l’heure au
ras du sol, pour remonter à plus de 20 mètres dans le transept.
Chaque année, la ville de
Saint-Jacques attire trois millions de
visiteurs ; depuis une décennie, elle a vu doubler le nombre de pèlerins.
Certains font même le Chemin en
fauteuil roulant. Compostelle défie la
sécularisation : « l’intérêt
pour les sanctuaires et la participation aux pèlerinages fait preuve d’une
grande vigueur parmi les fidèles » (Saint-Siège, Piété Populaire, 2001 §261).
Qui était saint
Jacques ?
Saint Jacques le Majeur fut le premier martyr parmi les apôtres.
Sa dévotion s’est surtout développée en Galice, autour du sépulcre retrouvé
dans la région. Le roi des Asturies y bâtit un lieu de culte (vers 835), qui
attira les chrétiens. La ville étant devenue siège épiscopal (1095), une
bâtisse romane, longue de 97 mètres, fut consacrée comme cathédrale (1128).
Le
Christ, qui est « Chemin », nous demande de le suivre dans son
« passage » vers le Père. Depuis
des siècles, l’année jubilaire, offrant l’indulgence jacquaire, incite à la prière et à la conversion itinérante. Les pèlerins, qui chantent
« Élevons notre cœur ! », cherchent la rencontre avec le Christ par
les moyens de sanctification de l’Église. L’homme pèlerin cherche Dieu, car
Dieu l’a cherché d’abord.
Saint Jacques et l’Europe
Premier « itinéraire à
intérêt historique et culturel » proclamé par le Conseil de l’Europe
(1987), le Chemin de Saint-Jacques a forgé l’identité chrétienne de nombreux
peuples : au départ d’Oslo, des Pays Baltes, ou de la Galicie polonaise,
les pèlerins médiévaux ont voyagé, la foi dans le cœur, sous la lueur de la Voie
Lactée, vers le Finisterre hispanique. Leur démarche fournissait une expérience
de communion, facilitait le rapprochement des gens. Le Chemin
fait ainsi partie du patrimoine mondial, pour le réseau des quatre routes françaises,
dès 1998. À Saint-Jacques, dans l’axe absidial de la cathédrale, la Chapelle de France (datée du XIVe siècle)
est dotée pour célébrer de messes en faveur de la nation.
Protecteur majestueux, marcheur patient ou cavalier
intrépide, docteur du symbole de foi… on représente le fils de Zébédée, devenu
disciple de Jésus, sous diverses formes. Avec le chapeau, le manteau à collet
et le bourdon, la coquille fait partie des signes du pèlerin et de l’apôtre.
Ces coquilles — appartenant à
des mollusques très prisés — étaient ramassées sur la côte. Les
prédicateurs y trouvaient un savoureux
symbolisme : « Les
deux valves représentent les deux
préceptes : aimer Dieu plus que tout, et son prochain comme soi-même. Chaque
valve, disposée à la façon des doigts, désigne les bonnes œuvres dans
lesquelles on doit persévérer » (Codex Callixtinus, 1140). La conversion sincère se traduit dans les faits.
Saint Jean-Paul II reconnut : « L’Europe
entière s’est retrouvée autour du mémorial de Saint Jacques, durant les siècles
où elle se construisait comme un continent homogène et uni dans le
spirituel » (Appel, 9 novembre
1982). Si, pour le passé, c’était un constat rigoureux, pour l’avenir c’était
une espérance prophétique. Les valeurs forgées dans le christianisme,
« doivent demeurer dans l'Europe du troisième millénaire comme un ‘ferment’ de civilisation pour le monde
entier » (Benoît XVI, Discours,
24 mars 2007).
Compté
parmi les aînés au Thabor et à Gethsémani, saint Jacques reste un modèle pour le contemplatif et
l’évangélisateur. Sa
statue en granite, dans le trumeau
du Porche de la Gloire (daté de 1188),
porte l’écriteau : « Le Seigneur m’a envoyé ». Sa décision, « nous le pouvons » (Matthieu 20, 22), prête au sacrifice, stimule le chrétien et l’Europe entière :
« Les autres continents te regardent et attendent aussi de toi la même
réponse : ‘Je peux le faire’ »
(saint Jean-Paul II, ibidem).
Par l'Abbé Fernandez
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