jeudi 24 juillet 2014

Rencontrer saint Jacques



Sous les yeux des fidèles de la cathédrale de Compostelle, un encensoir géant, tiré par huit gaillards, oscille d’un puissant demi cercle, atteignant les 60 kilomètres à l’heure au ras du sol, pour remonter à plus de 20 mètres dans le transept.
Chaque année, la ville de Saint-Jacques  attire trois millions de visiteurs ; depuis une décennie, elle a vu doubler le nombre de pèlerins. Certains font même le Chemin en fauteuil roulant. Compostelle défie la sécularisation : « l’intérêt pour les sanctuaires et la participation aux pèlerinages fait preuve d’une grande vigueur parmi les fidèles » (Saint-Siège, Piété Populaire, 2001 §261).

Qui était saint Jacques ?
Saint Jacques le Majeur fut le premier martyr parmi les apôtres. Sa dévotion s’est surtout développée en Galice, autour du sépulcre retrouvé dans la région. Le roi des Asturies y bâtit un lieu de culte (vers 835), qui attira les chrétiens. La ville étant devenue siège épiscopal (1095), une bâtisse romane, longue de 97 mètres, fut consacrée comme cathédrale (1128).
Le Christ, qui est « Chemin », nous demande de le suivre dans son « passage » vers le Père. Depuis des siècles, l’année jubilaire, offrant l’indulgence jacquaire, incite à la prière et à la conversion itinérante. Les pèlerins, qui chantent « Élevons notre cœur ! », cherchent la rencontre avec le Christ par les moyens de sanctification de l’Église. L’homme pèlerin cherche Dieu, car Dieu l’a cherché d’abord.

Saint Jacques et l’Europe
Premier « itinéraire à intérêt historique et culturel » proclamé par le Conseil de l’Europe (1987), le Chemin de Saint-Jacques a forgé l’identité chrétienne de nombreux peuples : au départ d’Oslo, des Pays Baltes, ou de la Galicie polonaise, les pèlerins médiévaux ont voyagé, la foi dans le cœur, sous la lueur de la Voie Lactée, vers le Finisterre hispanique. Leur démarche fournissait une expérience de communion, facilitait le rapprochement des gens. Le Chemin fait ainsi partie du patrimoine mondial, pour le réseau des quatre routes françaises, dès 1998. À Saint-Jacques, dans l’axe absidial de la cathédrale, la Chapelle de France (datée du XIVe siècle) est dotée pour célébrer de messes en faveur de la nation.
Protecteur majestueux, marcheur patient ou cavalier intrépide, docteur du symbole de foi… on représente le fils de Zébédée, devenu disciple de Jésus, sous diverses formes. Avec le chapeau, le manteau à collet et le bourdon, la coquille fait partie des signes du pèlerin et de l’apôtre. Ces coquilles — appartenant à des mollusques très prisés — étaient ramassées sur la côte. Les prédicateurs y trouvaient un savoureux symbolisme : « Les deux valves  représentent les deux préceptes : aimer Dieu plus que tout, et son prochain comme soi-même. Chaque valve, disposée à la façon des doigts, désigne les bonnes œuvres dans lesquelles on doit persévérer » (Codex Callixtinus, 1140). La conversion sincère se traduit dans les faits.
Saint Jean-Paul II reconnut : « L’Europe entière s’est retrouvée autour du mémorial de Saint Jacques, durant les siècles où elle se construisait comme un continent homogène et uni dans le spirituel » (Appel, 9 novembre 1982). Si, pour le passé, c’était un constat rigoureux, pour l’avenir c’était une espérance prophétique. Les valeurs forgées dans le christianisme, « doivent demeurer dans l'Europe du troisième millénaire comme un ‘ferment’ de civilisation pour le monde entier » (Benoît XVI, Discours, 24 mars 2007).

Compté parmi les aînés au Thabor et à Gethsémani, saint Jacques reste un modèle pour le contemplatif et l’évangélisateur. Sa statue en granite, dans le trumeau du Porche de la Gloire (daté de 1188), porte l’écriteau : « Le Seigneur m’a envoyé ». Sa décision, « nous le pouvons » (Matthieu 20, 22), prête au sacrifice, stimule le chrétien et l’Europe entière : « Les autres continents te regardent et attendent aussi de toi la même réponse : ‘Je peux le faire’ »  (saint Jean-Paul II, ibidem).

Par l'Abbé Fernandez

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